Fin du libéralisme
L’idéologie libérale naquit au surlendemain des grandes guerres civiles de religions dans l’Europe des XVIe et XVIIe siècles. La hantise de la stasis touche tout particulièrement les philosophes protestants des XVIIe et XVIIIe siècles, craignant plus que tout la guerre de tous contre tous qui mène au point extrême de la dissociation. Pour empêcher son retour, des jurisconsultes et philosophes européens ont formulé une double solution ; d’abord, historiquement, l’édification de l’État souverain, le Léviathan, monstre protecteur totalitaire en puissance, puis le libéralisme, la neutralité axiologique, idéologique, de cet État. Une neutralité étatique ontologiquement impossible puisque l’État est nécessairement structuré par une religion ou une idéologie.
L’État moderne et le libéralisme, issus de la guerre civile religieuse, sont en train de disparaître dans l’actuelle guerre civile mondiale, laquelle se superpose à un pan-polemos qui dévoile des contradictions insolubles. L’État n’est plus le garant de l’ordre et le protecteur du peuple face aux dangers intérieurs et extérieurs. Le libéralisme a mué en néo-libéralisme avant d’être dissout, et avec lui, les libertés individuelles et le « libre marché ». Ce qui a émergé de cette révolution silencieuse, c’est un système soviéto-capitaliste : un État totalitaire, tyrannique, privatisé et dirigé par une oligarchie financière qui appauvri volontairement les peuples qu’elle dirige et leur mène une guerre biopolitique. La conséquence est la guerre civile, le chaos propre aux révolutions, avec une dimension aggravante, que j’évoquerai dans quelques instants.
Dans la séquence historique actuelle, nous assistons à une révolution, déclenchée par l’oligarchie, pour changer non seulement de système politique, mais aussi de paradigme social et d’environnement. L’édification d’une société dépouillée des attributs de la civilisation. Sans religion transcendante, sans valeurs positives, sans culture, sans unité, sans famille, sans industrie, sans économie réelle, sans métier. En somme, une utopie nihiliste, de surveillance numérique techno-policière, où l’homme est remplacé par des machines et où les celles-ci sont utilisées comme des armes contre les peuples.
Tel est le visage de ce néo-capitalisme, qui, n’ayant plus besoin ni des classes moyennes, ni d’un prolétariat, ni des humains qui les composent, est devenu un système économique sacrificiel. Dans des sociétés post-chrétiennes, post-monothéistes, la valeur de l’homme a été réduite à celle d’un producteur et consommateur, dans le cadre du capitalisme productiviste et de consommation ; mais dès lors que ce capitalisme est devenu purement fictif, l’individu qui avait encore une utilité économique en tant que producteur et consommateur, est devenu un « inutile » et un ennemi à éliminer. Ceci n’est pas une vue de l’esprit ou une interprétation exagérée. Dans l’histoire de l’Humanité, les sociétés sacrificielles ne sont pas l’exception mais la norme. Et le sacrifice économique n’est pas une nouveauté ; c’est une pratique ancienne, qui n’est pas l’apanage des sociétés primitives. L’on ne doit pas se laisser duper, dans l’analyse, par le caractère sophistiqué et technologiquement avancé des sociétés modernes occidentales. Les Aztèques, qui avaient une civilisation développées, une écriture, une astronomie et une science de l’architecture, pratiquaient le sacrifices de masse à visée économique. Le sacrifice était ritualisé, il avait un habillage religieux et il se justifiait par un mythe fondateur, mais il avait une fonction économico-sociale, celle de réduire le nombre de prisonniers de guerre et d’esclaves, et avec eux un surplus de richesse et d’énergie inutile à la société. Ils sacrifiaient entre 20 000 et 100 000 personnes par an. C’est la consumation de ce qu’a appelé George Bataille « La Part maudite ».
Du point de vue de l’oligarchie occidentale, nous sommes pour la plupart d’entre nous, non seulement des « inutiles » à leur système, mais un danger politique pour eux. On comprend mieux pourquoi le conseiller israélien de Klaus Schwab, Yuval Noah Harari, oppose ceux qu’il a appelle « les dieux », à savoir les membres de la caste oligarchique, et ceux qu’il qualifie d’« inutiles », nous. La mise en place d’une narration religieuse, je pense ici à l’écologisme comme religion verte, justifie la réduction de la population mondiale. « Le Fonds des Nations unies pour la population (UNFPA) a affirmé dans son rapport de 2009 sur l’état de la population mondiale, présenté lors de la conférence de Copenhague le 18 novembre 2009, que le réchauffement planétaire ne peut être endigué que par une réduction massive de la population mondiale », peut-on lire dans les colonnes du plus grand journal quotidien français, Le Monde (18 septembre 2010), ainsi que dans The Washington Post (15 septembre 2009). Les nourrissons y sont accusés de produire trop de carbones, ce qui nuit à Gaïa ; il faut par conséquent réduire le nombre d’enfants à naître pour sauver la Terre. Le sauvetage de la planète, dans le discours de l’écologisme, a précisément la même fonction que les mythes dans les sociétés sacrificielles.
Pour ceux qui adhèrent fanatiquement à la religion verte, le sacrifice se fait volontairement, comme les Cananéens et les Hébreux qui sacrifiaient immolaient leurs enfant pour plaire à Moloch ou Yahvé. Pour les autres, la guerre civile est inévitable, mais celle-ci n’est plus la statis des Grecs, ou les guerre civiles de religions de la Renaissance ou encore les révolutions messianiques et socialistes des XVIIIe, XIXe et XXe siècles. C’est une guerre civile d’anéantissement de la civilisation, des valeurs, de la famille, de l’enfant, une guerre biologique. C’est le règne de l’homme de l’anomie, mentionné dans l’Épître aux Thessaloniciens.
La guerre de l’Occident nihiliste
Dans cette perspective, la guerre de l’OTAN contre la Russie en Ukraine apparaît comme la confrontation entre d’une part l’Occident nihiliste en cours de suicide collectif, et d’autre par le reste de l’Humanité. L’examen des avancées militaires vers la frontière russe depuis les années 1990, malgré la main tendue des dirigeants russes à l’Occident, démontre que cette guerre a été imposée à Moscou qui est dans une position défensive. Mais il n’ s’agit pas que d’une expansion militaire de la thalassocratie anglo-américaine judéo-protestante sur le Vieux Continent qu’elle utilise comme tête de pont contre la Russie. C’est une avancée des forces du nihilisme qui prend la forme notamment du LGBTisme, de l’autodestruction économique, et de la guerre biologique. À la porte de la Russie, l’Ukraine, colonisée par les États-Unis, a été transformée, en plateforme de la gay pride, du trafic d’enfant, de l’épuration ethnique et de la fabrication d’armes biologiques dans des laboratoires de l’Oncle Sam. L’Ukraine est devenue la frontière symbolique entre les deux monde qui s’affrontent, le monde qui promeut la mort du corps et de l’esprit, et celui d’un peuple qui vient de se relever, et qui a fait retour vers le christianisme après être sorti des cauchemars communiste et néo-libéral. La guerre est donc à la fois physique et métaphysique, militaire et spirituelle.
Les trois quarts des pays de la planète refusent naturellement de prendre le parti du camp nihiliste contre la Russie. Ce n’est pas là que l’expression de la multipolarité, mais de l’instinct de conservation face à une oligarchie occidentale qui veut entraîner le reste du monde dans le trou noir économique, sociétale et démographique ; dans le chaos de la guerre civile mondiale. La Russie, en tant que puissance nucléaire continentale aux prises avec l’OTAN, se trouve ainsi tenir le premier rôle dans cette guerre mondiale existentielle.
Pour la caste à la tête de l’Occident, cette guerre est nécessaire à sa survie. C’est un comportement paradoxal consistant à détruire les peuples qu’elle domine tout en préservant une volonté de puissance et un désir de domination mondiale. Elle se prive de la puissance nécessaire à l’hégémonie par sa politique de contraction démographique et industrielle. La guerre contre la Russie ou contre tout autre ennemi est aussi un moyen d’échapper aux contradictions internes du système occidental ; mais ce faisant, il tombe dans une autre contradiction, celui des régimes libéraux en guerre. Le libéralisme est en opposition fondamentale avec la notion de politique, de collectivité et d’État. «L’unité politique doit exiger , le cas échéant, que l’on sacrifie sa vie. Or, l’individualisme de la pensée libérale ne saurait en aucune manière rejoindre ou justifier cette exigence », expliquait Carl Schmitt. Si les dirigeants occidentaux veulent faire accepter la guerre contre la Russie, ils doivent faire corps avec leur peuple ; or, leur politique va dans le sens inverse de cette règle élémentaire. Ils mènent une double guerre : intérieure, contre leur peuple, et extérieure, contre la Russie. De plus, les Occidentaux, largement athées, ne peuvent être mobilisés dans une guerre au nom du LGBTisme, ni même accepter bien longtemps les dégâts socio-économiques qu’elle engendre.
Le libéralisme est ainsi abandonné par les élites occidentales globalistes car il est devenu pour eux un frein dans le paradigme du néocapitalisme de consumation et dans le contexte de guerre actuel.
Ce modèle anomique adopté par l’Occident n’est exportable que dans des sociétés malades. Le reste de l’humanité, qui aspire à vivre dans la normalité familiale et la paix, rejette l’unipolarité anglo-américaine judéo-protestante qui est le règne du chaos. C’est une des causes, sinon une dimension importante de la naissance du monde multipolaire. L’on peut discuter du degré d’authenticité multipolaire des BRICS, et se demander si elle n’est pas une autre forme de globalisme, puisque les grandes puissances qui les composent sont technophiles, et ont adopté les outils numériques qui permettent de surveiller chaque citoyen. En cela, elles sont toujours imitatrices de l’Occident.
Mais l’uniformisation du monde a des conditions, à savoir l’existence d’une superpuissance qui domine toutes les nations, un seul centre de décision et une religion ou idéologie globale. Or, l’hyperpuissance américaine est en déclin, elle n’a plus les moyens de dominer la planète, et son idéologie libérale n’existe plus dans les faits. Le cauchemar américain n’est plus attractif. Aucune nation normalement constitué ne veut du wokisme, de la guerre raciale et de la récession.
Ce qui existe fondamentalement, c’est la diversité des peuples et des cultures, et des régimes politiques qui correspondent à l’anthropologie de chaque nation. Le système politique occidental dégénère car il est le reflet de sociétés athées et désorientées.
Du point de vue des rivaux géopolitiques et géo-économiques de l’Occident, la course à la technologie à une importance capitale ; leur survie en tant qu’État et en tant que puissance de haut rang en dépendent. Toutefois, l’écueil est de suivre cet occident mortifère dans la voie du transhumanisme qui est déjà développé en Russie et en Chine.
La multipolarité demeurera un fait tant que le politique et l’État existeront. Les BRICS n’ont pas pour vocation d’élaborer une alternative idéologique à l’Occident pour le monde. Chaque nation, chaque civilisation doit suivre sa propre voie et construire son modèle en se débarrassant des avatars aliénant de l’hêgemôn anglo-américain judéo-protestant déclinant.